Flexibility@Work 2021 : les compétences à l’heure de l’automatisation

flexiblity - les compétences à l'heure de l'automatisation

Les nouveaux outils ont toujours servi de catalyseurs à l’émergence de nouvelles façons de travailler, mais c’est à la fin du XXème siècle que cette dynamique d’innovation s’est accélérée. Les smartphones que nous avons dans les poches sont plus puissants que les ordinateurs qui ont envoyé Neil Armstrong sur la Lune, et Google nous permet d’accéder à plus d’informations que n’en contient l’ensemble des bibliothèques du monde entier.

Beaucoup disent que nous sommes en train de vivre la quatrième révolution industrielle, mais on pourrait tout aussi bien interpréter les changements radicaux qui sont intervenus au cours de notre vie comme les conséquences d’une révolution du marché du travail. L’innovation a profondément changé notre besoin en compétences, la façon dont nous travaillons et le choix de l’endroit où nous voulons vivre. Elle a aussi libéré une énorme richesse et de grandes opportunités, de même que l’accès à l’éducation, partout dans le monde.

migration urbaine

Dans l’économie mondiale, les villes sont devenues les principaux vecteurs de création d’emplois, ce qui a entraîné un exode rural. Les centres urbains se sont largement densifiés et se sont étendus au-delà de leurs limites initiales. Seule une minorité de la population mondiale vit en dehors des villes. Elles sont aujourd’hui des pôles de hautes technologies où des bassins économiques créent des emplois et améliorent les niveaux de vie. Les citadins ont des revenus plus élevés, de meilleurs emplois et de plus hauts niveaux d’instruction que les ruraux. En 2050, les deux tiers de la population mondiale vivront dans les villes.

part de la population urbaine dans la population globale. Source : Organisation des Nations Unies (2018) – World Urbanization Prospects: The 2018 Revision.

Pour autant, cela n’indique pas que l’éducation en zone rurale est en déclin. L’augmentation du niveau d’instruction atteint par les individus dans les zones rurales a aussi accéléré la migration depuis les campagnes vers les villes. L’innovation agricole a largement réduit la demande de main-d’œuvre rurale et les travailleurs se sont par conséquent déplacés vers les villes à la recherche d’emplois dans l’industrie ou les services. Avec l’amélioration de l’accès à internet en zone rurale et le fort développement du télétravail, l’emploi dépend cependant de moins en moins de la localisation physique. Cette vérité pourrait même accélérer le mouvement depuis les zones urbaines vers les zones rurales, ou des grandes villes vers de plus petites, au fur et à mesure que les individus opteront pour des modes de vie différents.

Les niveaux d’instruction augmentent partout dans le monde, et les postes hautement qualifiés sont plus nombreux, mais on observe un recul du côté des emplois moyennement qualifiés, tels que ceux des ouvriers de chaînes de production, des contremaîtres et des agents de maîtrise. Avec la délocalisation de la production loin des pays à hauts revenus, de nouvelles catégories de main-d’œuvre sont entrées dans la chaîne de valeur mondiale. C’est ainsi que depuis les années 1990 la progression des marchés émergents a fait presque doubler l’offre de main d’œuvre mondiale. La combinaison de l’automatisation et de la relocalisation a polarisé les opportunités autour de postes hautement qualifiés et de postes peu qualifiés.

les facteurs de changement

En 1950 aux Etats-Unis, près de 250 000 femmes étaient standardistes. A l’époque, la technologie permettant de commuter et d’acheminer automatiquement les appels existait déjà depuis des dizaines d’années, mais les compagnies de téléphone préféraient les opératrices humaines. Puis le volume d’appels a commencé à augmenter de façon exponentielle.

Ayant à gérer davantage d’appels, les standardistes ont réclamé des salaires plus élevés et l’automatisation fut inévitable. Tout au long des années 1950 et 1960, des commutateurs électroniques ont été installés dans tout le pays. Les Etats-Unis n’emploient plus aujourd’hui que 790 standardistes et le nombre d’appels qu’il leur est demandé de traiter est considérablement plus élevé que celui de leurs prédécesseurs. Les compétences nécessaires pour être efficace dans le rôle de standardiste ont elles aussi changé.

utilisation croissante des robots industriels. stock opérationnel de robots industriels en milliers d’unités. Source : ifr.org

Chaque secteur a sa propre façon d’appréhender le sujet et avec l’évolution des besoins des entreprises, il est souvent difficile de prédire la façon dont les emplois seront remplacés tant qu’ils ne le sont pas réellement. Dans tous les pays comme dans tous les secteurs, les emplois les plus courants disparaissent ou se transforment. Plus de 25 % des emplois américains sont susceptibles d’être automatisés au cours de cette décennie, y compris certains rôles existant dans des secteurs d’emplois clés, tels que ceux de la préparation des aliments, de l’administration des bureaux et des transports. Mais n’oublions pas que les technologies qui arrivent, telles que l’intelligence artificielle, la robotique et les véhicules électriques créent aussi des emplois, ouvrent des opportunités et augmentent la prospérité de chacun.

Les emplois de demain seront différents de ceux d’aujourd’hui. Malgré une augmentation globale de l’emploi, 1 travailleur sur 7 en moyenne, va perdre son emploi sous l’effet direct de l’automatisation. L’évolution de la nature même des emplois est l’une des caractéristiques persistantes des vagues de progrès technologique passées et conduira au final à l’émergence de trois nouveaux types d’emplois : les emplois de l’innovation, les emplois de la richesse et les emplois du dernier kilomètre. Les premiers correspondent aux domaines à hautes technologies, les emplois de la richesse correspondent aux emplois créés grâce à l’augmentation de la productivité, et les emplois du dernier kilomètre à ceux qui ne peuvent pas encore être automatisés.

emplois susceptibles d’être automatisés. part des emplois exposés à un haut risque d’automatisation ou à un risque d’évolution important. Source : OCDE – Employment Outlook 2019

Si l’on se projette encore plus loin dans l’avenir, rappelons que d’après l’OCDE 65 % des enfants qui sont aujourd’hui à la maternelle auront un métier qui n’existe pas encore. Le Forum Économique Mondial prévoit de son côté que 133 millions de nouveaux métiers vont apparaître d’ici 2022, par suite d’une nouvelle division de la main-d’œuvre entre individus, ordinateurs et algorithmes. Beaucoup de ces emplois émergents seront mieux payés et moins répétitifs que ceux qu’ils remplaceront, mais pour les occuper, les travailleurs devront posséder un nouveau socle de compétences.

l’acquisition et la pérennisation des compétences nécessaires
aux emplois de demain passent par la collaboration entre
les responsables politiques, les entreprises et les travailleurs.

les compétences de demain

Ces nouveaux emplois appelleront des compétences nouvelles et différentes. On sait déjà que la demande de compétences en science, technologie, ingénierie et mathématiques (STIM) ainsi que la demande en compétences numériques de base augmentent. Mais de très nombreux signes attestent aussi de l’augmentation de la demande de compétences générales. Il nous faudra absolument préparer nos systèmes éducatifs pour ces emplois du XXIe siècle. Nous devrons aussi créer des partenariats public-privé harmonieux, qui seront autant de passerelles entre le monde du travail et celui de l’éducation et qui ouvriront des opportunités d’apprentissage tout au long de la vie, pour accompagner les
travailleurs dans leur carrière et les aider dans la transition vers de nouveaux emplois.

L’acquisition et la pérennisation des compétences nécessaires aux emplois de demain passent par la collaboration entre les responsables politiques, les entreprises et les travailleurs. Avant la COVID-19, de larges efforts de requalification étaient déjà déployés, mais la crise n’a fait que les rendre plus urgents. Dans les années 2020, on estimait déjà que plus de la moitié des travailleurs du monde entier allaient avoir besoin d’une requalification importante. La distanciation physique a introduit de nouvelles incitations à l’automatisation et a accéléré la tendance à la requalification.

Sachant que les individus qui ont le plus besoin d’assistance sont souvent les plus difficiles à atteindre, il est essentiel pour les travailleurs eux-mêmes de passer très concrètement à l’action pour augmenter leur employabilité. Or aujourd’hui, seulement 4 travailleurs sur 10 qui sont exposés au risque d’automatisation entament une formation ou une reconversion.

participation à une formation professionnelle par groupe. part des adultes de 16 à 65 ans dans chaque groupe ayant suivi une formation, 2012/2015. Source : OCDE – Employment Outlook 2019

La main-d’œuvre mondiale est plus instruite qu’elle ne l’a jamais été auparavant. En un peu plus de vingt ans, dans l’ensemble des pays de l’OCDE, le nombre de personnes ayant atteint un niveau universitaire du premier ou du deuxième degré a presque doublé. Et pourtant, trouver les talents et les compétences dont elles ont besoin demeure une énorme difficulté pour les entreprises. L’écart entre les compétences des candidats et les besoins associés aux postes s’élargit. Cela indique aussi qu’en agissant, nous pourrions libérer un formidable potentiel.

La demande de main-d’œuvre peu qualifiée a chuté, car le flux des produits et services passe par le numérique, de sorte que la demande repose de plus en plus sur les travailleurs techniques hautement qualifiés. Les pays à hauts revenus ont intégré l’importance de la formation aux disciplines STIM et considèrent l’investissement dans ces domaines comme un moyen de stimuler l’innovation et la croissance économique, et comme une source de fierté nationale.

part des études techniques STIM sur l’ensemble des jeunes diplômés du tertiaire. Source : OECD.stats

Bien sûr, tout le monde ne peut pas être codeur ou concepteur de robot. D’ailleurs, les compétences non techniques prendront dans le monde du travail de demain une place centrale, aux côtés des rôles liés à la haute technologie. D’ici 2030, certaines des compétences les plus demandées seront des compétences générales, telles que l’esprit critique, la créativité et l’intelligence émotionnelle. Les services de soins à la personne et les services à domicile, par exemple, font partie des rôles qui sont difficiles à automatiser et que les humains sont les mieux à même d’assurer.

Les besoins du marché du travail mondial évoluent, et les écoliers d’aujourd’hui seront nombreux plus tard à occuper des postes qui n’existent pas encore aujourd’hui. Équiper les jeunes apprenants pour un monde que nous ne pouvons pas voir est difficile, mais pour bien se préparer à intégrer le lieu de travail de demain, ces jeunes devront être accompagnés. Historiquement, l’éducation a toujours été un rite de passage dans les premières années de la vie, mais l’accélération de la
technologie impose que nos compétences et nos aptitudes humaines suivent aussi cette accélération. L’accent doit être mis sur une approche de l’apprentissage qui s’opérera tout au long de la vie et qui permettra ainsi aux individus de changer d’activité et de rôle durant leur carrière.

Au cours des 60 dernières années, le monde du travail a radicalement changé. L’étude Flexibility@Work 2021 propose une analyse des grandes transformations du travail pour mieux anticiper l’avenir.

L’édito de Frank Ribuot : S’adapter au changement pour embrasser l’avenir

Synthèse : Embrasser le changement

1ère partie : Redéfinir le travail

2e partie : les compétences à l’heure de l’automatisation (en cours de lecture)

3e partie : un marché du travail durable

Cliquez ici pour télécharger le rapport en entier (pdf).

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