Flexibility@Work 2021 : redéfinir le travail

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En quelques générations seulement, notre façon de travailler a radicalement changé. Propulsé en 2020, un jeune adulte de 1960 aurait probablement du mal à comprendre le lieu de travail d’aujourd’hui. Lorsque le changement s’opère petit à petit et jour après jour, on sous-estime facilement à quel point il a été profond. 

Sur de nombreux marchés, l’adoption de nouvelles attitudes donne naissance à de nouvelles façons de travailler. Ces nouveaux modes de vie professionnelle n’ont pas tant pour effet de remplacer les contrats à temps plein et à durée indéterminée que d’ouvrir la possibilité, pour la main-d’œuvre auparavant inactive ou informelle, de trouver des emplois décents. Les nouvelles formes de travail qui sont apparues dans l’économie à la demande offrent aux travailleurs des modèles plus flexibles et plus adaptables, tels que le télétravail, la flexibilité et une multiplicité de modes de rémunération et de contrats. Cette évolution a permis à ceux qui n’étaient jamais rentrés dans le cadre traditionnel des 40 heures par semaine en journées continues d’intégrer la main d’œuvre formelle. 

Certes, le contrat à durée indéterminée classique reste le type de contrat dominant, dans le monde occidental, mais les contrats à durée déterminée, à temps partiel ou à la demande, le travail intérimaire ou encore à distance sont de plus en plus répandus. Le travail est devenu plus varié et moins rigide, sous l’effet combiné des nouvelles technologies et d’une plus grande connectivité, mais aussi, d’une façon plus générale, d’une évolution culturelle. 

flexibilité du lieu de travail

les relations de travail flexibles que créent par exemple le travail intérimaire et les contrats à durée déterminée permettent aux entreprises d’adapter rapidement la taille et la composition de leurs effectifs en fonction des besoins, des processus et des priorités. 

Dans de nombreux pays, le travail temporaire a largement contribué à la croissance économique. Et dans la plupart des pays à hauts revenus, entre 5 et 25 % des contrats sont à durée déterminée. Ces contrats formels offrent des avantages à la fois à l’employeur et au travailleur, en facilitant souvent des relations qui autrement n’auraient pas nécessairement été possibles. 

part de l’emploi temporaire dans l’ensemble des emplois avec relation de dépendance, pour les travailleurs de 15 à 64 ans, au 3ème trimestre de 2020 (Australie, Canada, USA 2017, Japon 2013)  Source : Eurostat, OECD.stats 

emploi temporaire

Les relations de travail flexibles que créent le travail intérimaire et les contrats à durée déterminée permettent aux entreprises d’adapter rapidement la taille et la composition de leurs effectifs en fonction des besoins, des processus et des priorités. Ces relations leur permettent de cibler les compétences, les aptitudes et les qualités voulues, avant de procéder à des embauches en CDI. Cette recherche de la bonne adéquation du candidat avec le poste optimise la qualité et l’efficacité de la main-d’œuvre de l’entreprise, tout en augmentant la probabilité qu’un employé reste durablement dans l’entreprise. Une première expérience professionnelle peut en particulier faciliter cette adéquation, chaque nouvel entrant pouvant continuer à progresser plus facilement et plus rapidement au sein de l’effectif

part du travail intérimaire dans l’ensemble des emplois pour les 15 à 64 ans, en 2019  Source : Organisation internationale des employeurs 

travail intérimaire 

La catégorie des travailleurs autonomes comprend à la fois ceux qui travaillent à leur compte et les entrepreneurs, qui emploient ou non d’autres personnes. Près de la moitié de l’ensemble des relations de travail flexibles correspondent au travail indépendant, même si cette proportion est en recul dans la plupart des pays de l’OCDE. En 1960 en Norvège, par exemple, un quart des actifs étaient des travailleurs indépendants, mais aujourd’hui seulement 6 % des actifs travaillent à leur compte. Cette diminution s’explique principalement par les évolutions qui ont marqué le secteur agricole, dans lequel le statut d’exploitant indépendant est moins répandu depuis le début du siècle

C’est en Europe méridionale et en Europe de l’Est, où les entreprises et exploitations agricoles de petite taille restent la norme, qu’on trouve le plus grand nombre de travailleurs autonomes. Les pays où ces secteurs représentent la plus grande part des emplois ont un taux d’emploi non salarié élevé

Ce tableau globalement stable du travail non salarié cache cependant des variations considérables entre les pays, les secteurs et les niveaux d’éducation. On observe ainsi que sur les dix dernières années, le travail non salarié est en diminution en Europe méridionale et de l’Est, tandis qu’il ne cesse d’augmenter en France, au Royaume-Uni et surtout aux Pays-Bas

Des signes montrent globalement que dans certains pays à hauts revenus, une nouvelle génération d’entrepreneurs commence à prospérer. L’Europe a connu une augmentation progressive du nombre de personnes âgées de 20 à 29 ans travaillant à leur compte, en particulier parmi les personnes hautement qualifiées. On peut en partie attribuer cette augmentation à l’émergence des plateformes de travail numériques et à la simplification des démarches entourant la création d’entreprise. 

Développement du travail indépendant chez les personnes les plus qualifiées. Travailleurs indépendants, âgés de 15 à 64 ans, ayant une formation supérieure dans l’UE 27.

Développement du travail indépendant chez les plus qualifiés

Mais les modes de pensée d’hier ne sont pas toujours bien adaptés au lieu de travail de demain. Il va nous falloir réformer nos systèmes afin de les adapter à cette nouvelle réalité professionnelle et apporter aux travailleurs la sécurité dont ils ont besoin pour bien gérer leur carrière. Avec l’évolution et la transformation des modes de travail apparaît en effet un besoin d’innovation sociale, pour accompagner et protéger les travailleurs autrement. 

sur de nombreux marchés, l’adoption de nouvelles attitudes vis-à-vis du travail donne naissance à de nouveaux modes de travail.

plateformes numériques 

A la suite de la crise financière mondiale de 2008, l’innovation numérique a donné naissance à des plateformes de travail totalement novatrices, telles qu’Uber, Deliveroo et TaskRabbit. Des nouvelles possibilités de flexibilité sont alors apparues pour des millions de personnes, à un moment où, en raison de la situation économique, elles avaient besoin d’un complément de revenus. Même si les plateformes de ce type ne représentent toujours qu’une petite part du marché du travail, l’intérêt qu’elles suscitent a sensiblement augmenté : entre mai 2016 et janvier 2019, le nombre d’offres d’emplois a augmenté d’environ 30 % dans le monde, croissance essentiellement stimulée par les pays développés

L’économie à la demande est apparue à un moment où les gens cherchaient à maîtriser plus directement leurs revenus, et en particulier leurs revenus complémentaires. D’après McKinsey, entre 20 et 30 % des actifs européens et américains tirent leurs revenus d’une forme de travail indépendant, plutôt que d’un seul emploi salarié classique

travailleurs indépendants – revenu principal et revenus complémentaires. Part du travail indépendant dans l’ensemble de la population en âge de travailler  Source : McKinsey Global Institute (2016) – Independent Work, Necessity, and the Gig Economy

La catégorie des travailleurs indépendants est diverse et comprend aussi bien les avocats qui ont un cabinet à associé unique, que les agents de ménage employés par de multiples clients, les retraités qui louent leur résidence secondaire et les étudiants qui livrent à vélo. Les plateformes numériques ont contribué à faciliter l’apparition de cette tendance, mais les travailleurs de l’économie digitale (à base d’applications mobiles) ne représentent toujours qu’une petite partie de l’ensemble des travailleurs indépendants. Une étude du Bureau of Labor Statistics américain de 2017 a montré que seulement 1 % des emplois américains étaient pourvus via des plateformes numériques, tandis que, d’après les données de la Commission européenne de 2018, ce type de travail représente la principale source de revenus d’environ 2 % des adultes de l’ensemble des pays membres de l’UE.

Des signes montrent que cette tendance s’accroît et qu’elle peut de façon globale avoir un effet positif sur le marché du travail

les nouvelles opportunités d’emploi stimulent la productivité de l’économie. 

combien de travailleurs sont-ils employés en tant que travailleurs indépendants ? Source : ILR School et Aspen Institute

Développement du travail en ligne

Des études font apparaître que la croissance du travail indépendant augmente la participation au marché du travail, crée de nouvelles opportunités d’emploi et stimule la productivité de l’économie. Ces avantages se renforcent à mesure que les plateformes numériques permettent de trouver plus rapidement des emplois, et d’assurer une coordination plus efficace pour les travailleurs à la demande. Il reste que les responsables politiques s’inquiètent de la façon dont les plateformes définissent le statut de leurs travailleurs. Les gouvernements cherchent aussi à déterminer dans quelle mesure les relations entre les parties s’inscrivent ou non dans le cadre de la réglementation existante

Développement du travail en ligne. Source : Index du travail en ligne.

Les technologies numériques permettent aux travailleurs et aux entreprises d’interagir de façons nouvelles et de bousculer les modes de pensée classiques. Les premières plateformes de l’économie à la demande remontent déjà à une dizaine d’années, mais il est clair que la tendance globale de la transformation digitale ne fait que commencer. 

télétravail

L’année écoulée a été une année charnière pour le télétravail, mais l’idée n’est pas nouvelle. L’homme qu’on a appelé « le père du télétravail », est l’ingénieur de la NASA Jack Nilles. Cet ingénieur a travaillé depuis chez lui pendant des années. Lors du choc pétrolier des années 1970, il propose de généraliser le télétravail pour préserver les ressources pétrolières et réduire la pénurie d’espace dans les villes. C’était bien sûr bien avant que tout le monde dispose d’un ordinateur portable et d’un smartphone. 

Beaucoup d’entreprises ont depuis expérimenté le travail à distance. IBM a par exemple installé pour la première fois des « terminaux distants » au domicile de ses employés au début des années 1980. Le programme de télétravail de la société a ensuite prospéré. Ainsi, en 2009, 40 % des 386 000 employés d’IBM dans le monde travaillaient à distance. Au fur et à mesure que davantage d’individus ont pu s’acheter un ordinateur et accéder à internet, le télétravail est devenu plus facile et plus productif. L’expansion des services sur internet et du WiFi public a aussi ouvert des possibilités de travailler à distance au-delà de la maison – dans des espaces de travail partagés –  mais aussi à l’hôtel, au café et ailleurs. 

Les technologies numériques permettent aux gens de se connecter et de travailler de façon plus intelligente, et la pandémie de COVID-19 a finalement accéléré l’adoption générale du télétravail. L’Organisation Internationale du Travail indique qu’en avril 2020, 81 % de la main d’œuvre mondiale était totalement ou partiellement confinée. Le télétravail a pu à un certain moment être perçu comme un simple avantage, mais nombreux sont ceux que l’expérience de la pandémie a fait changer d’avis.

Au cours des 60 dernières années, le monde du travail a radicalement changé. L’étude Flexibility@Work 2021 propose une analyse des grandes transformations du travail pour mieux anticiper l’avenir.

L’édito de Frank Ribuot : S’adapter au changement pour embrasser l’avenir

Synthèse : Embrasser le changement

1ère partie : Redéfinir le travail (en cours de lecture)

2e partie : les compétences à l’heure de l’automatisation

3e partie : un marché du travail durable

Cliquez ici pour télécharger le rapport en entier (pdf).

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