
20 Avr 2018
La journée de la femme digitale s’est tenue le 17 avril. Un événement mené par les femmes du monde numérique et destiné à porter leurs revendications vers une égalité des sexes dans le milieu. À cette occasion, Re.sources dresse un état des lieux de la mixité dans le domaine du digital.
Cofondée en 2013 par Delphine Remy-Boutang, la journée de la femme digitale (JFD) met chaque année à l’honneur celles qui s’emploient à révolutionner le monde grâce au digital. « L’objectif est d’inspirer et d’encourager les femmes à oser, innover et entreprendre dans le milieu, afin de valoriser la synergie des talents et la place de leurs initiatives dans le domaine », assure-t-elle.
Et il y a urgence à agir, selon les associations du secteur. Dans le numérique, seulement un salarié sur trois est une femme, contre un sur deux toutes branches confondues, selon une étude menée par le Cigref et Syntec Numérique. Le déficit de femmes dans les métiers liés à l’informatique et au digital est réel. « Les femmes ne représentent que 27% des salariés de l’informatique et du numérique et seulement 13% des effectifs des écoles d’ingénieur spécialisées, précise Veronique di Benedetto, présidente de Femmes du Numérique (Syntec). Un paradoxe puisqu’il y a 70 ans, la programmation des premiers ordinateurs était confiée à des femmes ».
En 2017, le secteur du numérique emploie seulement 33% de femmes, et ce principalement dans les fonctions dites «support » (RH, administration, marketing ou communication). En 2016, 9% des startups françaises étaient dirigées par des femmes. Quant à la part des femmes codeuses, elle est de 27%, et seulement 11% de femmes travaillent dans la cybersécurité. Enfin, il y a seulement 20% de femmes au sein des DSI des grandes entreprises françaises.
Manque de modèle féminin
Pour l’heure, les femmes ne se tournent que peu vers les métiers du numérique pour des raisons socio historiques. « Elles ont des difficultés à embrasser des carrières dans le numérique, car elles ne parviennent pas à se projeter dans ce type de métiers, faute de modèle féminin, selon Valérie Dagand à la tête de Cyberelles. Sans compter qu’elles ne comprennent pas forcément les métiers du numérique et les assimilent bien souvent à des métiers de geeks, où elles n’ont pas leur place et où elles imaginent qu’elles ne pourront pas s’épanouir ».
Le digital pour s’émanciper
« C’est une édition pour agir », a affirmé Delphine Remy-Boutang à l’occasion de la JFD. Car toutes les associations des femmes du numérique sont unanimes : le digital représente une vraie source d’émancipation. « Les femmes vont pouvoir par cette voie accéder au Codir et au Comex, comme c’est déjà un peu le cas à travers des postes de CDO, selon Valérie Dagand. Une manière d’impulser un changement depuis le haut ». En France, on estime que seulement 25% des CDO sont des femmes et 16% à l’international (étude PWC 2017).
« Plus qu’une simple évolution dans le numérique, c’est l’occasion de repenser notre société et notre rapport au monde, estime Véronique di Benedetto. Il est porteur de valeurs et de progrès. Un secteur aussi stratégique doit être inclusif ».
Une solution à la pénurie de compétences
D’autant plus qu’il est parallèlement confronté à une pénurie de talents. Selon une évaluation de la Commission européenne, il manquera 756 000 professionnels du numérique en Europe en 2020.
Pour la France, France Stratégie et la Dares estiment que 170 000 à 212 000 postes seront à pourvoir dans le numérique en France en 2022. Des chiffres qui démontrent clairement le besoin de profils nouveaux et de compétences accrues pour faire face à la révolution digitale en cours.
« L’arrivée de méthodologies agiles et disruptives et de modes projets éclatés réclame des compétences internes et externes touchant à des sensibilités diverses, précise Véronique di Benedetto. Les cartes sont rebattues et les femmes peuvent prétendre à des rôles économiques significatifs qui contribuent à réduire les inégalités ».
Une fondation Femmes@numérique et des formations
Parmi les solutions proposées, et faute d’avoir été retenu comme label Grande cause nationale 2018, le Cigref, Syntec Numérique, ainsi que plusieurs associations, ont décidé de créer une fondation Femmes@numérique. Sous l’égide de la fondation de France, elle aura pour objectif de soutenir des actions ciblées, qui parfois existent déjà, et de leur donner une envergure autre, pour changer d’échelle et avoir plus d’impact, avec des résultats visibles et mesurables dans le temps.
« Il faut agir sur trois leviers, selon Valérie Dagand. Les femmes doivent être plus visibles, il faut lancer des actions dès le plus jeune âge pour promouvoir le digital ». Il faudrait également leur faire prendre conscience qu’elles ont toute leur place dans ce secteur, qu’elles ont la légitimité pour y postuler
À l’occasion de la JFD, Capgemini Consulting a dans cette optique présenté une étude montrant l’importance de développer la formation pour les femmes du numérique. 82% des entrepreneures interrogées assurent n’avoir jamais suivi de formation et se sont principalement formées par elles-mêmes ou se sont associées pour s’entourer de compétences externes.
Le dernier rapport Villani sur l’intelligence artificielle a quant à lui fixé comme objectif d’atteindre au moins 40% d’étudiantes dans les filières du numérique d’ici à 2020. Les établissements qui y parviennent pourraient être récompensés par une labellisation ou une subvention. « Un objectif très ambitieux certes, assure Véronique di Benedetto. Mais nous devons l’être pour justement mobiliser l’ensemble des acteurs concernés ! »