Objectif « full remote » : demain, tous télétravailleurs ?

travail en full remote

Un jour, deux jours, trois jours…et pourquoi pas cinq jours par semaine de télétravail ? Alors que les discussions se multiplient dans les entreprises pour trouver le bon équilibre pour les managers et les salariés, le concept de télétravail « full remote » ou à 100% revient sur le devant de la scène. Est-ce la solution d’avenir ?

Un milliard. D’après The Economist, d’ici à 2035, les télétravailleurs pourraient être un milliard dans le monde. Soit un tiers de la population mondiale. Si ce chiffre donne le vertige, il s’explique dès aujourd’hui par la décision de grands groupes comme Google ou Twitter de renoncer à faire revenir leurs salariés dans leurs bureaux. Les collaborateurs de Google ne devraient réintégrer leurs structures qu’en juillet 2021 au mieux. A moins que le télétravail à 100% ne devienne la norme.

Testé à large échelle pendant la crise sanitaire de la covid et le confinement, le télétravail « full remote » semble questionner les plus grands dirigeants du monde entier. Frantz Gault assure être contacté chaque semaine par des entreprises pour savoir comment passer au 100% télétravail. « Pour certaines entreprises, nécessité fait loi dans un contexte où l’économie vacille, souligne le Directeur Général de LBMG Worklabs et Neo-nomade, une solution pour trouver un espace de coworking. Les directions décident de rendre leurs bureaux pour éviter d’avoir à se séparer de leurs salariés ».

En effet, renoncer à de grands open space ou à des dizaines d’étages dans une tour de la Défense permettraient aux entreprises de réaliser d’importantes économies. Du côté des salariés, l’impact serait essentiellement sur les temps de transport et un équilibre vie privée – vie professionnelle plus facile à trouver.

Maintenir un collectif, une créativité et de l’innovation

Parmi les quelques entreprises qui sont déjà en « full remote », BoondManager fait office de précurseur. Depuis sa création il y a dix ans, l’entreprise vit sans bureau. « Ce système s’est installé naturellement : la société a été créée par des frères qui n’habitaient pas au même endroit, explique Lucie Barreau, responsable marketing et communication. Ils ont embauché des personnes dans toute la France, avec la volonté de continuer sur ce modèle et de ne pas impacter la vie de toutes ces personnes ». Aujourd’hui, l’entreprise compte 32 collaborateurs qui se retrouvent chaque jour dans leur bureau virtuel sur Slack.

Reste que ce mode de fonctionnement impacte directement la raison d’être en entreprise : le lien social. Maxime Robache, Fondateur d’Adhoc Company et auteur de Mettre en place et manager le télétravail, l’assure : « Le télétravail à 100% peut engendrer des difficultés à mener des activités collectives et donc d’innovation ou de créativité, ce qui semble dommageable pour l’entreprise ».

Pour Frantz Gault, le télétravail effectué pendant quatre jours produit du bonheur, de la performance et est positif sur le plan psychologique, précise-t-il. A cinq jours par semaine, le travail devient un simple gagne-pain et la motivation se trouve dégradée.

Pour pallier ces éventuelles difficultés et maintenir un lien social et un esprit d’équipe fort, BoondManager organise trois séminaires détente par an avec l’ensemble des salariés. « Il y a un petit côté colonie de vacances, mais cela participe au ciment de l’entreprise et à la cohésion d’équipe », assure Lucie Barreau. Au quotidien, des activités comme des cours de sport, de yoga et de méditation par visioconférence ou des goûters jeux ont lieu chaque semaine sur la base du volontariat. Un « boon café » est aussi organisé le jeudi matin pour faire en sorte que les gens qui ne travaillent pas ensemble au quotidien puissent échanger sur des aspects de vie plus personnels. « Nous communiquons en fait plus que dans des bureaux », conclut Lucie Barreau.

organiser le travail en équipe à distance

Une bascule délicate pour les entreprises traditionnelles

Mais la particularité de cette entreprise est qu’elle a été créée sur ce modèle dès le départ. « Nous sommes très clairs lors du recrutement, explique la responsable marketing et communication. Ce mode de fonctionnement ne correspond pas à tous les profils. Les plus juniors ne sont pas forcément très adaptés à notre structure, car il est préférable d’avoir une certaine maturité et d’avoir déjà un premier vécu dans des bureaux ».

Selon Maxime Robache, « le télétravail à 100% qui s’applique bien à une niche, principalement des entreprises de la tech, paraît difficilement applicable dans des entreprises traditionnelles, avec une forte culture du présentéisme. La loi prévoit en effet que le télétravail repose sur du volontariat. Il faudrait donc que l’ensemble des salariés soient partants pour ce modèle ». Difficile en effet d’imaginer que les 200 000 salariés de PSA souhaitent tous du télétravail à 100% par exemple.

D’autant plus que selon Emilie Vayre, Professeure de Psychologie du Travail et des Organisations à Lyon II, « les modalités du télétravail doivent se faire en concertation au sein d’un dialogue paritaire et collectif en tenant compte des contraintes liées aux individus, aux tâches à effectuer et aux métiers ». Pour elle, « un choix arbitraire d’imposer 100% de télétravail risque de poser plus de problèmes que de bénéfices ».

Des risques pour le management et les salariés

Car le télétravail n’est pas sans conséquence dans toute l’entreprise. Le middle management par exemple est contraint de revoir ses méthodes et sa posture face à des salariés à distance. « Les rapports de pouvoir et de domination au plus haut sommet des entreprises se trouvent bouleversés », précise Frantz Gault.

Quant aux risques pour les salariés, ils sont nombreux selon Emilie Vayre. Outre le sentiment d’isolement ou d’exclusion lié au manque de lien social, « le télétravail 100% peut impacter l’évolution de la carrière, car faute de présence, les managers et dirigeants pensent moins à vous pour une promotion. De même, des questions se posent sur la socialisation organisationnelle de l’entreprise, sur le partage de connaissance. Sans compter les risques pour la santé si les individus n’ont pas un espace ou du matériel de qualité pour travailler ».

Une solution intermédiaire : le coworking 

L’avenir du télétravail full remote à grande échelle semble peu florissant. Pour autant, les entreprises peuvent trouver des solutions alternatives pour recréer du lien social et faire sortir leurs salariés de chez eux. « Pour faciliter la bascule des entreprises traditionnelles vers un télétravail 100%, la solution intermédiaire du coworking est envisagée par nombre d’entre elles, précise Frantz Gault. Et pour cause : elle permet de maintenir le lien social sans avoir besoin de locaux coûteux et sans continuer à polluer une planète avec des infrastructures lourdes ».

 

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