
29 Oct 2020
« Qu’est-ce que l’innovation sans une bonne dose d’échec ? » La phrase de Nicolas Brusson, CEO et co-fondateur de BlaBlaCar, publiée sur le site Medium le 8 septembre dernier remet le sujet du droit à l’échec au cœur des débats. D’autant plus en cette période marquée par la crise liée à la Covid-19, où les entreprises devront se différencier en innovant.
Si le sujet fait débat en France, c’est que l’échec ne va pas de soi, contrairement à d’autres pays comme les États-Unis. Isabelle Saladin, fondatrice des Rebondisseurs français, en sait quelque chose. Cette entrepreneuse a travaillé aux États-Unis avant de venir en France fonder une société. Et de subir le regard négatif sur l’échec dans l’Hexagone. « Outre-Atlantique, on vous demande en entretien quel est votre plus gros échec, explique-t-elle. Et si vous n’en avez pas un, c’est suspect. Les Américains ne glorifient pas l’échec, mais la capacité à rebondir. C’est là que les mentalités doivent changer en France ».
Apprendre à rebondir
« On oublie souvent de rappeler que 99% des entrepreneurs à succès ont connu des échecs avant de réussir. »
C’est dans cette optique qu’elle a cofondé les Rebondisseurs français, un regroupement de 900 entrepreneurs qui repose sur le partage d’expériences sans jugement et sur l’entraide. Avec pour objectif de mettre en avant la capacité à rebondir et faire changer les mentalités en France.« On oublie souvent de rappeler que 99% des entrepreneurs à succès ont connu des échecs avant de réussir. C’est ce qui a de la valeur, car ils ont appris à rebondir, affirme-t-elle. En France, on a fait du mot échec quelque chose de négatif alors qu’il est synonyme d’expérience ».
Si le droit à l’échec est peu à peu médiatisé par des entrepreneurs connus comme Marc Simoncini ou Thierry Marx, les lignes ne bougent pas beaucoup au sein des entreprises. « En France, on confond la compétence et l’identité. Si j’échoue, c’est que je suis nul, constate Francis Boyer, fondateur de Dynesens, un cabinet de conseil aux entreprises. Or, freiner ou empêcher l’échec conduit à l’immobilisme ».
Aux dirigeants d’impulser l’échec
Sébastien Biessy, Directeur de l’Activité Talent – France de Willis Towers Watson estime que la responsabilité tient au top management. « Le droit à l’échec doit être impulser par le top management, c’est une affaire de culture d’entreprise. Si on possède une vraie culture de test and learn, on sait qu’en tentant des choses, on prend un risque, on l’accepte et on efface petit à petit la peur qui bloque l’innovation ».
Une position que partage Francis Boyer. « Les directeurs généraux doivent être les premiers à évoquer leurs échecs pour l’instaurer dans leurs entreprises, précise-t-il. Une simple charte de l’échec ne suffit pas. Il faut des actes et des mots venant de tout en haut, voire même d’une impulsion politique ».
Sur ce plan, Isabelle Saladin marque une vraie différence entre les grands groupes et les plus petites structures de type PME, qui semblent faire bouger leurs mentalités plus aisément. « Il y a encore beaucoup de travail d’éducation à effectuer dans les grands groupes pour lutter contre les strates managériales successives », lance-t-elle.
Et pourtant, les grands groupes prônent le droit à l’échec dans leurs communications et lancent même des événements consacrés à ce sujet. Rien de suffisant pour changer les mentalités en interne, selon Sébastien Biessy : « les séminaires de créativité ou les hackatons très à la mode dans les entreprises sont des premières initiatives, mais très encadrées et à un instant T. La solution la plus efficace est de disséminer le droit à l’échec partout dans l’entreprise, en l’encadrant mais sans contraindre l’initiative ».
Le droit à l’échec gravé dans les valeurs de l’entreprise
Du côté des solutions, Francis Boyer accompagne ses entreprises clientes en leur demandant d’inscrire dans leurs valeurs et leur culture la notion de droit à l’échec. Et de ne pas se contenter de le graver dans les textes, mais de passer à l’action à travers une série d’outils. A l’instar de Harmonie Mutuelle ou Blablacar dont l’un des six grands principes se résume en « Fail. Learn. Succeed ». « Quand on a déjà connu l’échec et qu’on sait rebondir, on affronte les crises comme celles qu’on vit actuellement avec le Covid différemment, sans paniquer, argue Isabelle Saladin. Plus que le droit à l’échec, c’est le droit à rebondir qui est essentiel ».